Bonjour Anne,
As-tu grandi dans une famille d’artistes ?
Pas du tout. Excepté mon arrière-grand-père, Georges Creten, qui est un peintre relativement connu. Mon père était un peintre du dimanche et aimait bien collectionner des toiles. Ma mère joue un peu de piano. C’est une grande amatrice de Chopin. Il est vrai que mes parents étaient interpellés par l’art, mais aucun n’était artiste professionnellement parlant. J’ai peut-être porté leur rêve...
Est-ce qu’ils t’ont poussée dans cette voie ?
Pas particulièrement. On m’a encouragée, mais on ne m’a certainement pas obligée ou poussée. Il y avait un piano à la maison et j’aimais y chipoter et regarder ma mère jouer. Ma sœur a commencé le piano mais n’a pas aimé. Et puis, je m’y suis mise et ça m’a beaucoup plu. Même le solfège. J’aimais tellement bien la musique que même faire des dictées et chanter des notes me faisait plaisir. Et pourtant, il fallait d’abord faire un an de solfège avant de pouvoir jouer l’instrument.
Assez tôt, tu décides de te consacrer à la musique et tu entres au conservatoire.
J’ai eu une adolescence assez rock & roll. à 15 ans, j’ai décidé de ne plus aller à l’école. Je me cachais pendant que mes parents partaient travailler et je rentrais à la maison jouer du piano en faisant semblant d’aller aux cours. Evidemment, ça n’a pas marché longtemps... Je n’ai pas terminé mes humanités inférieures. à l’époque, c’était possible parce l’enseignement secondaire n’était pas obligatoire jusqu’à 18 ans comme aujourd’hui. Et donc, j’ai dit à mes parents que je voulais faire le conservatoire. Mais l’idée, c’était d’abord surtout de ne plus aller à l’école. Et puis, j’avais un petit ami qui écoutait pas mal de musique funky, des disques de la Motown, quelques albums électriques de Miles... J’avais aussi des copains qui jammaient dans une cave. On était une bande d’ados complètement délurés qui fumaient des joints comme des fous. J’étais vraiment dans un drôle d’état et j’ai décidé d’arrêter l’école et d’aller au conservatoire à 15 ans. Mais ce n’était pas possible d’y entrer directement et mon père m’a dit : « Si tu ne vas plus à l’école, tu paies », sousentendu « pour rester à la maison », notamment parce que nous ne recevions plus d’allocations familiales. Mais c’était surtout pour essayer de me décourager. Il n’y est pas arrivé. Pendant 2 ans, j’ai travaillé le midi dans un restaurant et le soir j’allais à l’académie. J’ai fait mes 2 années de solfège supplémentaires et terminé mon piano classique et puis j’ai pu rentrer au conservatoire classique. Il n’y avait pas encore de section jazz à ce moment-là. J’ai d’abord fait un prix de solfège en classique 2 ou 3 ans avant que la section jazz n’ouvre. Et là, j’ai eu très envie d’y aller. Je venais de faire un stage de jazz avec Alain Rochette. A l’époque, il n’y avait pas grand-chose à part un cours de jazz des Lundis d’Hortense le mercredi au Travers donné par Alain Rochette. Il y avait aussi Charles Loos, Diederik Wissels, mais ça ne faisait pas beaucoup de monde au total et il n’y avait pas encore d’enseignement du jazz organisé.
"J’ai appris sur le tas et c’était complémentaire avec le conservatoire"
Quand la section jazz du conservatoire a-t-elle ouvert ?
Elle a dû ouvrir début des années 90. J’ai commencé le conservatoire classique en 85-86 et je crois que je suis rentrée dans la section jazz la deuxième année de son existence. On était toute une bande de musiciens qui se connaissaient déjà. Je jouais déjà un petit peu dans des groupes, un de chanson française, un funky, un de rock FM dans lequel je jouais des claviers et faisais des backings vocaux en anglais... Et quand la section jazz a ouvert, les quelques musiciens de « musiques légères » de l’époque s’y sont retrouvés. On avait tous envie d’aller s’instruire. Il y avait déjà Thierry Gutmann, Nathalie Loriers, Daniel Stokart... Une petite bande de musiciens qui sont toujours actifs aujourd’hui. Mais, je n’ai pas fait du jazz tout de suite. Je jouais surtout de la pop.
Et tu as continué ?
Oui, pour plusieurs raisons. D’abord, j’aimais ça et puis ensuite, je devais gagner ma vie. Le jazz est venu plus tard. D’ailleurs, je n’en écoutais même pas. J’ai fait mon prix de solfège en faisant parallèlement des concerts pop. J’ai accompagné quelques chanteurs et chanteuses, comme Isabelle Antena et parfois des artistes un peu plus jazzy. Puis, j’ai fait la tournée de Sttellla en 1992 avec une trentaine de dates. J’étais surtout active dans le réseau en tant que claviériste. Ça allait dans tous les sens. On n’était pas nombreux à l’époque, donc on faisait de tout : du rock, de la salsa... Un peu plus tard quand j’ai rencontré Henri Greindl, j’ai commencé à jouer un peu plus de la musique brésilienne. Ça m’a bien plu. J’ai notamment assez bien joué avec Marcia Maria. En fait, j’ai terminé le conservatoire en 4-5 ans parce que j’étais toujours occupée à jouer en parallèle et que je n’avais pas l’occasion de me consacrer uniquement aux études. Ce que je trouve chouette d’ailleurs, parce que j’ai appris sur le tas et c’était bien complémentaire avec le conservatoire. Ça ne se passe plus comme ça maintenant. L’accès aux informations est beaucoup plus facile. Par contre, la pratique est beaucoup moins évidente. J’ai commencé par des musiques mélodiquement et harmoniquement plus simples. Je suis assez contente de l’avoir fait, parce que j’ai eu un phénomène de digestion qui fait que quand j’ai découvert les tensions, elles ont résonné très fort en moi. Je me suis dit : « Wow, qu’est-ce que c’est que cet accord ?! ». Je pouvais vraiment ressentir une tension sur un accord et la relier émotionnellement à une sensation impliquant un goût ou une couleur. Je vois aujourd’hui pas mal de gens qui ont accès à tout ça très vite, mais pas toujours avec la chronologie et le temps pour le digérer. Je ne sais pas si c’est toujours bien relié à la sensation émotionnelle ou physique. Le cerveau peut le comprendre très vite, mais peut-on le ressentir et l’utiliser aussi rapidement ? Je n’ai aucun regret sur ce parcours très éclectique que j’ai eu et que je continue à avoir. J’ai de temps en temps des demandes en tant que sidewoman pour jouer des musiques différentes de la mienne. Heureusement ! Ça me fait plaisir. J’ai toujours aimé jouer avec les autres et me nourrir de leur musique. Sinon, il n’y a plus rien qui rentre. Il y a le out, mais plus de in. Pour moi, c’est essentiel de pouvoir continuer à jouer avec d’autres gens. Je regrette que cela se passe moins souvent depuis que j’ai mes projets en tant que leader. J’aimerais pourtant, mais je pense qu’il y a un peu le phénomène de l’étiquette : « Anne fait ses projets, peut-être qu’elle n’a plus le temps... ». Ce qui n’est absolument pas le cas. J’en pro te pour le dire.
J’ai lu dans ta bio que tu avais eu une rencontre marquante avec Michel Petrucciani. peux-tu expliquer ce qu’il s’est passé ?
Oui, c’était en rentrant d’un concert avec le chanteur rwandais Ben Ngabo. On avait créé un groupe assez mixte au niveau musical avec des musiciens de jazz : Manu Hermia, Bilou Doneux, Nicolas L’Herbette, Michel Seba, moi... Je rentrais de ce gig avec Michel Seba qui me dit : « Tiens, tu connais le pianiste Michel Petrucciani ? ». Je ne le connaissais pas du tout. Il m’a fait écouter le morceau « September second » et m’a chanté le solo en entier. J’étais étonnée : « Wow, Michel tu connais ce solo ». J’ai adoré et j’ai commencé à écouter Petrucciani. Puis, j’ai vu dans un magazine qu’il donnait un workshop à Paris. Je me suis dit que j’irais bien et j’ai envoyé une cassette avec un enregistrement d’un de mes premiers concerts en trio au Travers. Je suis allée à Paris et je m’attendais à me retrouver assise dans la salle. Puis, quand je suis arrivée, on m’a dit : « Ah, c’est vous la Belge qui a envoyé la cassette ? Vous allez sur la scène-là avec ces autres pianistes ». Je me suis retrouvée sur la scène avec 5-6 pianistes qui ont eu droit à une leçon particulière. C’était une masterclass devant de nombreux pianistes parisiens qu’heureusement je n’avais pas la chance de connaitre, sinon je n’aurais jamais osé. J’étais très intimidée, mais je l’ai quand même fait et je me suis retrouvée à avoir cours avec Michel Petrucciani.
Qu’est-ce que tu en as retiré ?
Il m’a beaucoup parlé du rapport à l’instrument. Lui qui avait un rapport physique particulier à l’instrument, il avait beaucoup d’humour avec ça. A l’époque, c’était la mode des chaussures avec semelles compensées. J’aimais bien en porter et il a rigolé : « C’est super sexy ». C’était un dragueur invétéré. Et alors, il me dit : « Ce n’est pas très pratique pour le contact avec l’instrument, il vaut mieux avoir les pieds dans le sol. Regarde-moi ». Des blagues de ce genre... Il m’a fait m’asseoir plus bas pour être plus en contact avec le sol. Il m’a aussi fait prendre conscience d’où partait le mouvement et de plus utiliser tout le corps. Comme lui le faisait en fait. Parce qu’en réalité, je pense que s’il ne se tenait pas au piano, il tombait. Le corps était vraiment un balancier pour lui. J’ai même fait l’expérience de lever les pieds et de me mettre en équilibre pour essayer de mieux ressentir cette sensation et ça a été très instructif. Il m’a donné aussi d’autres petits secrets « maison », comme faire des crescendo quand tu vas vers le haut et des decrescendo vers le bas, ce qu’il utilise beaucoup. Il parlait aussi de la main gauche. Il disait que tous les pianistes Bill « Evansiens » étudient le piano à partir d’une certaine époque, mais qu’il ne faut pas avoir peur de jouer une quinte dans le bas de temps en temps ou une note de basse. Ça ne gênera pas forcement le bassiste. On a aussi parlé de l’inspiration, qu’il est impossible d’avoir de l’inspiration tout le temps pendant 2h de concert. Que parfois, on balance des plans et qu’il ne faut pas se priver de le faire, qu’il fallait penser à de belles choses ou des choses qui nous inspirent. Ce n’est que quelques exemples. C’était très marquant. J’ai un enregistrement de cette leçon pour ceux que ça intéresserait.
"J’ai toujours aimé jouer avec les autres et me nourrir de leur musique"
Je connais ton son de piano principalement avec le disque « Vivaces » de pierre Van Dormael. J’imagine que cela a dû être une expérience assez forte.
J’ai joué aux côtés de Pierre pendant une dizaine d’années dans différentes formules, dont « Vivaces ». C’est une expérience pour toute la vie. Concernant l’enregistrement de ce disque en particulier, c’était très spécial. On était beaucoup de musiciens en studio. On jouait tous en même temps et Pierre faisait des arrangements sur le moment-même. Et ce n’était pas n’importe quels arrangements... Par exemple, pour l’intro de « Cap Vert », je me souviens qu’il nous a expliqué : « Là, tu fais 2 mesures de tel accord, là, je veux trois mesures en 6/8 de congas, et puis ça et puis ça... ». C’était un truc de fou. Il fallait retenir tout et puis hop c’était parti. On avait à peine le temps de noter. C’était très stressant, alors que les morceaux étaient déjà extrêmement complexes. Par exemple, tous les musiciens n’avaient pas la partition écrite dans la même mesure. Je pouvais lire cetaines partitions en 5/8 ou 3/4, selon ce qui me convenait le mieux. L’harmonie était parfois écrite en 3 mais le reste en 5. En plus, je devais aller du synthé au piano dans le studio pendant l’enregistrement d’une même prise. Je devais continuer à compter en marchant pour essayer de reprendre au bon moment. C’était extrêmement difficile. A un moment donné, il s’est fâché. Il y avait un morceau du bassiste Otti Van der Werf dans lequel je devais faire des nappes, mais il ne m’avait jamais dit à quel moment. Moi, je le faisais toujours quand je le sentais. Et là, il a tout arrêté : « M’en n Anne, c’est tous les cycles de 4 ». Evidemment, c’était une expérience très tendue pour lui, je peux le comprendre et je n’ai aucune rancune par rapport à ça. Mais, il pouvait être très autoritaire et c’était parfois dif cile à supporter. Et puis, un jour en studio, il m’a balancé devant tout le monde un truc du genre : « Les femmes, c’est bien dans la cuisine ». Il s’est évidemment excusé après. Mais il fallait parfois s’accrocher. En même temps, il m’a fait des cadeaux énormes et m’a beaucoup rassurée : « Quand tu joues, ça sonne tout de suite. J’ai besoin de cette couleur et de cette chaleur dans ma musique qui est quand même assez dure. J’ai besoin de sucre et de sel ».
De ton toucher très cristallin.
Oui. Otti par exemple avait un son très rond. On pouvait se raccrocher aux lignes de basse que Pierre écrivait. Il avait un énorme background, très diversi é musicalement. Sa musique était compliquée, proche de la musique contemporaine. Elle n’était pas uniquement cérébrale, mais aussi très émotionnelle.
il voulait toucher les gens et avait un esprit pop.
Oui, Pierre adorait les songwriters. Il en était lui-même un et a écrit beaucoup de chansons. Tout ce background donne du sens à sa musique. Je pense que c’est pour ça que je suis parvenue à jouer cette musique qui au départ était pour moi très particulière. C’était par exemple aussi très instructif rythmiquement de jouer avec des musiciens comme Stéphane Galland. Il arrivait que la seule chose qu’on avait en commun était la croche ou la double croche de temps en temps. Donc on est obligé d’écouter. Et puis avec Pierre, c’est de la psychothérapie de la musique. La première fois que je suis allée chez lui, il m’a fait jouer une espèce de blues mineur. J’ai joué mes accords à la façon de Bill Evans, tu sais, comme on apprend au conservatoire. Et lui, il m’a dit : « Ah non, pas des accords en tierce, mais plutôt une quarte et une seconde ». Il m’a montré des plans de guitariste. Je ne connaissais pas du tout ce langage harmonique. Donc, j’ai essayé 2-3 choses et tout de suite : « Non, pas pendant que je joue ». Et à un moment donné, je ne savais plus jouer du tout. J’ai compris plus tard, que c’était une tactique pour te mettre dans une certaine conscience du choix de ce que tu vas jouer ou pas. Je l’ai vu faire la même chose plus tard avec Nicolas Kummert. Pendant toute une répétition, ce pauvre Nicolas ne parvenait plus à jouer une note. Pierre déconstruit tes automatismes pour te conscientiser sur l’écoute et tes choix. C’était vraiment très enrichissant de travailler avec lui. On pourrait en parler des heures parce que c’est un personnage très particulier.
Tu mentionnais une remarque machiste. As-tu envie de partager quelque chose sur le fait que les femmes sont moins représentées en jazz et dans la musique en général ?
Je suis absolument contre tout type de discrimination, y compris la discrimination soidisant « positive ». La qualité de la musique ne dépend pas de nos âges, de nos organes génitaux, de notre race... La musique est précisément un art qui permet de faire des différences. Par contre, on va essayer de jouer avec tout notre cœur et nos tripes, et ça c’est le plus important.
Nous voilà dans le sujet de ton projet que tu as intitulé quatuor plutôt que quartet parce que c’est un piano trio avec la présence d’un violoncelle. Cette instrumentation intéressante donne un son particulier. Comme est-ce né ?
J’ai beaucoup joué en trio, et sur l’album précédent, j’avais invité des chanteurs et chanteuses. J’ai toujours aimé la voix, mais moi-même malheureusement je ne chante pas bien. Je trouve que le violoncelle a la particularité d’être très vocal. Donc, ça permet d’avoir des thèmes avec de longues notes. Mais aussi d’avoir des lignes derrière, des pizzicatos, beaucoup de possibilités différentes proches d’un registre vocal. J’aime les voix d’homme aussi, soit très aigües à la Richard Bona, soit assez graves comme la chanteuse Marcia Maria pouvait avoir. Un jour, Theo et moi sommes allés écouter une chorale dans laquelle notre ls of ciait. Il y avait une violoncelliste, Sigrid Vandenbogaerde, qui improvisait avec la soprano et Theo s’est dit que ce serait chouette un trio avec violoncelle. On a pris contact avec elle et ça a super bien fonctionné. On s’entend très bien et c’est une personne adorable qui joue magnifiquement bien et qui a l’habitude de jouer dans des formations qui ne sont pas forcément classiques. Ça se passe extrêmement bien avec elle et on est très contents. Evidemment, j’avais un petit peu l’inquiétude d’écrire pour le violoncelle qui est un instrument que je ne connais pas. Je compose et je peux avoir quelques idées mais je ne suis pas vraiment arrangeuse. Theo a pris cette fonction très à cœur et c’est lui qui a écrit les parties de violoncelle. C’est un instrument qui est proche du sien évidemment. Ça donne ce son très particulier que j’aime vraiment beaucoup.
"Ce qui m’intéresse,
c’est la complémentarité"
Je me disais que tu es une pianiste qui privilégie plutôt les ambiances recueillies, la mélodie et la beauté plutôt que le déchainement d’énergie. il y a vraiment ce caractère-là dans ce projet. et le batteur, Lionel Beuvens, joue un peu comme un percussionniste coloriste, alors qu’il peut aussi jouer débridé dans certains projets.
Je suis d’accord avec toi, mais c’est tout même plus dynamique que la manière dont tu le présentes. C’est un projet avec un aspect intimiste mais il y a quand même des morceaux où ça bouge plus. Ce que j’aime justement chez Lionel, c’est sa dynamique, mais aussi son écoute qui est extraordinaire. Il est totalement empathique. La moindre chose que je fais, il s’y adapte. Maintenant, on se connait bien et j’aime beaucoup jouer avec lui. Pourtant, j’éprouve parfois des dif cultés avec les batteurs, peutêtre parce que je n’ai pas un gros son. C’est peut-être dû à ma stature ou à mon toucher.
Ou ta personnalité ?
Non, je ne pense pas. Il peut y avoir aussi beaucoup de colère en moi. Je ne suis pas du tout quelqu’un d’introverti et de calme. Par contre, je ne sais pas pourquoi mais ça ne transparait pas dans ma musique. C’est très présent en moi, mais je ne parviens pas à l’associer à l’esthétique que je recherche et imagine. Dans ce projet, il y a quand même beaucoup d’énergie, mais ce qui est important, c’est qu’on ne parle pas tous en même temps. Ce qui m’intéresse, c’est la complémentarité. Si je suis dans un swing avec une cymbale qui fait tching tchikiding, j’ai l’impression de devoir parler sur quelque chose qui est déjà là, de superposer des couches et de ne plus pouvoir m’exprimer. Ce n’est pas un reproche, c’est juste un ressenti personnel. J’aime quand on se répond, on interagit. C’est plus la respiration que je cherche. Mais j’aime bien l’énergie, comme quand on joue des morceaux plus brésiliens. J’adore cette musique qui est très vivante, dansante et qui peut être très énergique. Mais je ne suis pas quelqu’un qui va jouer beaucoup d’up-tempo. Peut-être parce que c’est plus technique et que je ne pense pas que je sois une grande technicienne de l’instrument.
C’est vrai ?
Chacun appréciera à sa juste valeur, certains disent que oui, d’autres que non. J’aimerais avoir plus de moyens. On est peut-être tous dans ce cas. Je ne pense pas que ce soit mon point fort. Par contre, j’essaie d’en tirer parti autrement. Je pense qu’il y a d’autres musiciens dans l’histoire qui l’ont fait aussi. Et puis, je ne sais pas si j’avais les moyens de jouer beaucoup de notes très fort, si je le ferais. Et ça, c’est une réflexion qui m’intéresse vraiment.
En tout cas, ce qui en ressort, c’est qu’on reconnait tout de suite ton son.
Je cherche le piquant dans le rapport mélodie/ harmonie. De prime abord, ça parait très simple, mais quand tu regardes les partitions, il n’y a jamais un II-V-I. Si par exemple tu écoutes « Petite pièce en faux mineur », ce n’est pas aussi gentil que ça en a l’air.
Je te souhaite une bonne tournée.
Oui, ça va être super !